Un article de Roll Ross paru en 2010 en Océanie
Des urnes à l’urne… funéraire.
Publié aux Editions du Losange, « Une mort si tranquille » de Philippe Stierlin est un polar/politique qui se termine en Nouvelle-Calédonie. Non dénué de réflexion, ce livre propose une lecture agréable pour terminer les vacances d’été. Repos bien mérité…
La première phrase du livre est explicite : Je vis arriver la balle. Une phrase courte et définitive, puisque le narrateur prend en pleine tête cette trajectoire létale et, de fait, y perd la vie. Mais pas la parole car il va nous raconter la suite par la magie de la fiction qui peut tout se permettre. Les morts, qui parlent et se racontent, foisonnent en littérature et au cinéma comme dans le très réussi « Sunset boulevard » où William Holden, macchabée flottant dans la piscine de sa vieille maîtresse, ouvrait la bouche et le flash-back le plus célèbre du 7ème art. Quoique un peu austère, la couverture de l’ouvrage n’est pas en reste avec ses deux pieds devant dont l’un a le gros orteil étiqueté sur un fond résolument noir. Cependant tout réside dans le si sanguinolent du titre, annonçant la couleur… La mort du premier président français de le VIème République n’est donc pas vraiment tranquille, c’est ce que prouveront les cent quatre-vingts pages qui suivent. Qui a tué ? Telle est la question que le commissaire Jasper va tenter d’élucider en buvant des grands crus à tous les coins de lignes et de tables.
L’arme et l’âme à gauche
Jasper est un patronyme d’ectoplasme qui ne l’empêche nullement d’être un jouisseur, amateur impénitent de bonne chère et de chair faible. Les chapitres alternent les réflexions en direct du défunt (bonne idée), sorti des urnes électorales pour terminer dans une plus funéraire, et l’enquête en finesse du flic assermenté. Le président Floréal avait le « moi » révolutionnaire, l’âme (et l’arme) à gauche avant de la passer du même côté. On pourrait y voir un succédané de François Mitterrand prônant une révolution tranquille que l’auteur décrit et aimerait bien voir aboutir un jour. D’ailleurs, dans ses digressions politiques, pas du tout fastidieuses, il reste accessible et surtout pas manichéen. Il est également à l’aise aussi bien dans la balistique que dans la mythologie, dans la géopolitique que dans une marche en montagne. Les personnages secondaires sont bien brossés, les phrases sont courtes et rythmées, la formule « assassine » fait souvent mouche, ainsi que l’humour tendant plutôt vers l’ironie. La sensualité est au rendez-vous car, comme dans toute bonne histoire, il faut savoir chercher la femme et pas seulement… La Nouvelle-Calédonie est présente dans les derniers chapitres, ainsi que le Vanuatu. On pourra reprocher une intrigue qui manque d’action surtout lorsque l’on sait qu’elle démarre en août 2014. Cependant, si l’auteur sait jouer avec les heures et les minutes, la date en question semble peu exploitée. Alors, crime politique sur fond de tensions internationales ou de guerre hexagonale des partis ou encore crime passionnel ? Au futur lecteur d’y répondre qui, lui, sera surtout passionné par le style maîtrisé de ce premier roman.
Rolross