Arriver à Luchon ne fut pas une sinécure. Départ d’Orly tôt le matin pour atterrir dans un aéroport de Toulouse-Blagnac qui avait été battu par des pluies diluviennes et les vents toute la nuit. Je ne savais pas encore que le retour serait encore plus turbulent. Bravo au commandant de bord et au personnel d’Air France !
Sur le tarmac, le soleil arrivait à percer, mais au loin, la Garonne et plusieurs rivières fougueuses du Comminges avaient coupé les routes ralliant l’Espagne et les Pyrénées. Des berges étaient ravagées par les crues, les pompiers en action. Un gendarme m’indiqua à un carrefour que le seul moyen pour atteindre Luchon en cet instant, était l’hélicoptère…
Après réflexion, je me dis que le mieux était de faire comme le Commissaire Jasper de mon bouquin : trouver une bonne auberge. Je ne fus pas déçu. Ce fut L’Etable, à Saint-Gaudens, près du Pont Valentine. Un service top, des propriétaires charmants, un repas plantureux et généreux, comme on sait les servir dans le Sud-Ouest. Et une viande ! Au café-dessert, le cuistot, aux fourneaux devant sa cheminée, me voyant dépité de ne pas pouvoir atteindre Luchon, se connecta sur son appli et m’annonça que « Ça y est, les crues sont plus bas, les routes sont essuyées et rouvertes… ». Je pouvais redécoller en direction de la cité thermale.
Luchon est une jolie petite ville, mais qui s’étiole et quel dommage !
La gare SNCF a été fermée il y a plusieurs mois. Les herbes dépassent des voies. Un service public déglingué, et tout est dépeuplé, on se surprend à détourner cette phrase de Lamartine. La suppression de la ligne dite « secondaire » a donné un coup de poignard à la ville. Le casino a lui aussi fermé boutique. Les thermes souffrent. Restent des commerces dynamiques, une fois par an, le Tour de France en juillet et la Fête des Fleurs fin août.
Merci sinon et bien sûr à Michel Ritou, à l’animatrice culturelle, au personnel pour leur accueil au Centre de Luchon.
Une belle rencontre à la clé avec les bénéficiaires, certains en cure thermale pour trois semaines, d’autres en randonnée dans les montagnes pyrénéennes, ou en vélo, à l’assaut des cols de la région.
Une rencontre de près de trois heures, attaquée dès le repas. Au menu : Agatha Christie et Cie, Maigret et le commissaire Jasper de mon roman, le plaisir de lire et d’écrire, le roman-noir, Victor Hugo dans les Pyrénées.
Et puis aussi la place du livre dans la vie et l’engagement, ce qu’est devenu le travail dans les entreprises de l’énergie, la soif de justice, le rôle de la police, la façon de mener une enquête.
Nous nous sommes couchés en nous demandant si un crime aurait lieu cette nuit-là dans notre maison commune accrochée à la montagne.
Au petit-déjeuner du lendemain matin, nous avons constaté que nous étions tous là.
Philippe STIERLIN, 20 juillet 2018